Contributions

1. Le mercredi 31 janvier 2007 à 22:54, par Robert CHIÈZE - Enseignant de mathématiques, retraité

Il m’a été difficile de trouver un thème convenant parfaitement à la question des effets de la télévision. J’ai finalement choisi celui des autres questions décisives à l'intérieur des questions institutionnelles.
Depuis le milieu des années 80 les images de la télévision, qui sont des images de conception photographique, (comme celles du cinéma), ont envahi massivement nos espaces de vie quotidiens. Plusieurs études récentes montrent que les enfants regardent toutes sortes d’émissions. Or, du point de vue de la sémiotique les images de conception photographique n’ont pas un statut de symbole, ni même d’icône, mais d’indice, (classification de Peirce). Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité des espaces d’expression, des espaces de communication, (notamment un des plus modernes, un des plus récents, surtout le plus fréquenté), sont massivement envahis par des représentations qui ne font que « citer » la réalité. Ce type de représentation n’est pas nouveau mais la télévision lui a permis de franchir un seuil de pénétration culturelle. Peut-on continuer à ignorer les conséquences d’un tel phénomène sur les enfants, sur les apprentissages scolaires ?
Je ne peux livrer ici que quelques observations, plutôt en vrac :
-Devant la télé le jeune enfant apprend à reconnaître ce qu’il voit sans avoir besoin de le nommer ; d’où un phénomène de conceptualisation inachevée très important, (de préconceptualisation par réf à Piaget), et des motivations, des attentes particulières à l’égard de l’école. L’environnement de l’enfant est aujourd’hui une réalité complexe médiatisée par la télévision.
- La télévision abolit les notions d’espace et de temps et affecte fortement le développement de leur perception par les enfants. Les conséquences sur les activités scolaires sont très importantes, notamment dans le développement des capacités de lecture, l’assimilation des systèmes de numération et de mesure.
- L’image de conception photographique est faite de plages et non de lignes. Sa perception est donc globale. Elle a une signification immédiate ou n’en a pas. Ces deux facteurs sont à l’origine d’une transformation profonde des rapports des jeunes aux langages. Des rapports encore pervertis par des attitudes acquises devant la télé. Aux effets premiers, qui s’expliquent par le statut d’indice de ce type d’image (statut sémiologique), s’ajoutent donc des effets secondaires qui se retrouvent dans les comportements scolaires, les attitudes en classe, les capacités d’écoute, la disponibilité intellectuelle, les formes de réflexion, la façon de travailler, le savoir apprendre.
C’est la nature du média qui pose problème notamment parce qu’il s’organise autour d’images de conception photographique, dont la diffusion massive a introduit un énorme bouleversement dans nos rapports aux langages, en épargnant personne. Dans cette situation la critique des émissions est un exercice totalement stérile. L’adaptation de nos écoles au monde moderne passe par une approche sémiologique de ce type d’images, une étude de leurs rapports à la mémoire, de leurs interventions dans les activités intellectuelles, de leurs effets et des conséquences à en tirer.
J’ai tenté ici l’exercice, pour moi, assez difficile de soulever cette question dans un «article » d’une page. Philippe Meirieu a bien voulu placer sur son forum un texte nettement plus conséquent (8 pages). J’espère que les internautes intéressés trouveront le temps de le lire.

2. Le mardi 30 janvier 2007 à 14:08, par Philippe Creugny Enseignant spécialisé (option D) sur l'Unité d'Enseignement du service de pédopsychiatrie du CH G. Sand à Bourges (18)

La carte scolaire, telle qu'elle nous est présentée dans la plupart des départements, laisse apparaître une certaine schizophrénie chez les grands esprits qui nous gouvernent. Après avoir publié de nombreux textes, supprimé les CCPE, CCSD et CDES (remplacé par des enseignants référents, certes, mais avec une efficacité qui reste à prouver) et élaboré les MDPH, ces fins décideurs nous expliquent qu'il faut intégrer davantage les élèves malades ou en situation de handicap avec toujours moins de moyens dans la perspective d'une plus grande efficacité !
De la même manière, on veut nous faire croire qu'une spécialisation ASH peut se faire hors temps de travail (c'est à dire en plus du temps de préparation de classe...) et sur une durée bien inférieure à ce qu'elle était aux temps "archaïques" du CAPSAIS (moins de 100h au lieu de 450).
Moi même issu de cette formation CAPSAIS et actuellement en poste sur une Unité d'Enseignement dans un service de pédopsychiatrie, je me demande si on peut raisonnablement opposer une logique numérique (l'orthodoxie comptable comme la nomme notre IA dans le Cher) à une logique d'aide qui suppose un rapport Prof/Elève non déterminé.
Je veux bien entendre l'argument restrictions budgétaires (bien que cela me gêne) mais je ne peux supporter de pseudo justifications du type "fermons des CLIS et remplissons celles qui restent pour les rendre plus efficaces". Chez nous, pauvre département rural, grâce au dispositif d'intégration mis en place depuis des décennies via les SESSAD et en particulier le service de pédopsy où je travaille depuis 10 ans, de nombreux enfants et adolescents continuent d'être scolarisés dans leur 'milieu naturel'. Mes collègues et moi même œuvrons chaque jour pour que Alain, Ahmed, Emilia ou Sarah puissent continuer d'aller à l'école, malgré les temps de prise en charge thérapeutiques parfois contraignants. Si nous faisons le lien avec leurs établissements scolaires, si nous les rencontrons individuellement ou en petit groupe, ce n'est pas seulement pour justifier notre temps de présence et un salaire faramineux comme le croit MOSSIEUR Coppé, mais bien parce que nous pensons que notre action prend sens dans ce type de relation.
Mr le ministre de l’Education nous fait injure en faisant croire à tous les medias que nous ne faisons pas notre travail.
Il nous traite avec un mépris inqualifiable lorsqu’il laisse entendre que nous coûtons trop cher et laisse dire n’importe quoi par le porte parole du gouvernement à propos de nos salaires.
Il nous humilie enfin, quand avec son aplomb habituel, il justifie ses économies budgétaires en les masquant par les conclusions de pseudos travaux scientifiques auxquels aucune valeur ne peut être accordée.
Si la spécialisation des enseignants coûte trop cher, eh bien que le ministre le dise franchement ; et revenons-en aux glorieux temps des origines où l’on plaçait les « enfants maladifs » chez l’habitant à la montagne (1876) !
Pour ma part, je reste persuadé que le temps que je passe auprès de chacun des adolescents que je rencontre dans le service de soins est un temps indispensable, qui ne se monnaye pas, qui ne se calcule pas à l’aune d’une rentabilité comptable ; et je défie Mr le ministre de venir passer ne serait-ce qu’une heure avec ces jeunes suicidaires ou autres anorexiques ou boulimiques, pour comprendre combien l’enjeu scolaire dans le cadre hospitalier est grand et y justifie pleinement notre présence. Ce n’est pas en intégrant ces jeunes dans des classes déjà surchargées, sans aucun dispositif de soutien, qu’on les aide ; c’est en agissant en amont, avant leur retour en classe par des aides individualisées et personnalisées; puis au moment de leur retour en rencontrant les équipes pédagogiques ; et enfin tout au long de leur parfois lente rémission par une écoute adaptée et ciblée. Cela suppose du temps, de la disponibilité. Cela suppose surtout qu’on ne nous demande pas de faire du chiffre, comme si tous ces enfants et adolescents en grande difficulté n’étaient jamais que des dossiers interchangeables.
Qu’on arrête de nous pointer du doigt et qu’on nous aide au contraire à accomplir notre tâche! Car si bien évidemment, nous ne sommes pas des soignants, nos interventions pédagogiques participent du projet global de soins et participent en cela à l’amélioration des conditions de vie des élèves qui nous sont confiés.

3. Le lundi 11 décembre 2006 à 20:37, par Gaufryau Bertrand, Dax

Où est l’École de la République ?

« L’école, la plus belle réussite de la République, le vecteur de légalité des chances… » Par ces mots, Nicolas Sarkozy met un terme à la première partie d’un discours sur l’école, fondé sur la revanche et l’idéologie, principes sur lesquels il s’appuie pour stigmatiser la gauche.

C’est bien la gauche et son idéologie folle qui, selon lui, en font la coupable et responsable des échecs de l’école de la République. La culture de l’assistanat et de la facilité aurait, selon lui, conduit l’école dans une impasse. Et pourtant, chacun est lucide devant les difficultés de la démocratisation de l’école. Après le temps de la massification, c’est bien celui de la démocratisation sur lequel nous avons collectivement buté.

Certains plus que d’autres, faisant des enseignants des adversaires politiques au lieu de les considérer comme des artisans de la connaissance et de la construction des jeunes, des « pédagogos » et des non des acteurs de l’éducation.

Aux « idéologues de gauche », le Ministre-Candidat n’entend pas faire de cadeaux, selon son expression, d’une vision nostalgique ou purement comptable de l’éducation. Et pourtant, que n’a-t-il dit cela à son collègue et Ministre de l’Education Nationale, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche qui vise à stigmatiser les professeurs des écoles à travers les méthodes de lecture, l’apprentissage de la grammaire ou bien la réduction des effectifs des enseignants d’une ampleur inégalée à ce jour ?

« Accomplir les promesses de la République » nécessite une rupture et une vraie : refuser de stigmatiser les personnes qui s’opposent au retour d’un certain populisme dont est friand une frange de l’électorat. Mettre au pas un inspecteur qui réfléchit et défend des idées différentes de celles de son Ministre de tutelle par une procédure administrative (même si la mobilisation de nombreux acteurs a eu raison de cette démarche), prouve la longueur du chemin à accomplir par Nicolas Sarkozy dans ce domaine de l’éducation. On ne peut être pour la liberté pédagogique et, dans le même temps, imposer aux professionnels pensant autrement de se taire en utilisant des moyens « staliniens ».

Entre tous les excès ne choisir que le juste milieu est un procédé singulier pour proposer une vision, un nouveau souffle à l’école de la République. Des intentions apparaissent et ce n’est pas parce qu’elles émanent de Nicolas Sarkozy qu’elles sont toutes à rejeter. L’étude des langues, l’accès à la culture, aux activités artistiques, au sport sont autant de pistes à privilégier et renforcer. Le tout n’est pas de décliner de bonnes intentions, mais de savoir comment les organiser, les articuler. Comment donner les moyens adéquats aux enseignants et aux équipes pédagogiques pour qu’ils créent des outils adaptés à la construction de citoyens véritablement formés ? Et là, le silence devient assourdissant. Le mot de « rupture » serait-il devenu indécent lorsqu’on s’adresse à un corps social que l’on dit « gauchisant » ? Rupture avec les suppressions de postes répétées, le redéploiement de postes qui ne seraient consommés que pour des décharges inutiles ? Nous ne sommes pas loin du populisme.

La répartition des moyens entre établissements selon des critères liés à l’appartenance sociale des familles et une harmonisation de la carte scolaire pour en corriger les défauts récurrents constituent des pistes pleines de promesses. Mais la seule suppression de la carte scolaire pour « libérer l’école » (de quoi d’ailleurs ?) et permettre « une égalité des chances réelles » est un leurre. La concurrence exacerbée entre établissements ne pourra que renforcer la ghettoïsation. Peut-on imaginerun seul instant qu’un jeune d’un collège de ZEP trouvera les moyens réels de venir poursuivre sa scolarité dans un établissement « huppé » du centre ville ? Tous les établissements, publics et privés sous contrats doivent participer à cet effort républicain de partage des moyens, d’accueil de tous. Ce sera aussi un gage de mixité sociale et d’équilibre territorial.

Familles, discipline, autorité font aussi l’objet d’un package s’appuyant sur une incroyable méconnaissance de la réalité de l’école de la République dont le terme est abondamment employé par Nicolas Sarkozy. « Les familles auront le devoir de s’intéresser aux résultats scolaires de leurs enfants » : cela ne se décrète pas, mais se construit dans une relation de confiance avec les partenaires de l’école, professeurs, éducateurs, chef d’établissement. Ceci est un long processus qui ne doit pas reposer sur la menace, comme le propose la loi contre la délinquance, stigmatisant les familles en les convoquant devant un Conseil dont le seul objet consiste à la priver de moyens financiers. Réduire l’éducation à cela et faire des établissements scolaires seulement des lieux de transmission d’informations à des fins répressives est une vue de l’esprit. Ce n’est pas la vocation d’un collège, lycée ou d’une école.

La violence est loin d’être banalisée dans les établissements : des lieux existent pour la dénoncer, des outils pour la réguler, des personnes pour la combattre. Des conseils éducatifs, des conseils de discipline, des projets pédagogiques et éducatifs intègrent ces dimensions. Est-ce cela que dénonce le candidat UMP lorsqu’il parle d’expériences pédagogiques hasardeuses? La diversité des situations, des contextes locaux, permet une richesse d’expériences dont l’évaluation constitue un gage d’enrichissement pour les jeunes qui les vivent, les adultes qui les portent et les territoires qui les vivent. L’autorité enfin, ne se décrète pas plus que le soleil ou le ciel bleu. Néanmoins, outre la transmission des savoirs, les connaissances pédagogiques, la connaissance approfondie des comportements des jeunes, de leur psychologie, de la société dans laquelle nous vivons, tout comme les stages tout au long de la carrière, constituent des piliers forts de la formation des enseignants.

Certes, le métier nécessite des ajustements, doit reposer sur un recrutement plus large, accepter et s’enrichir de la diversité des parcours des futurs enseignants recrutés. Mais le législateur doit apporter de la valeur ajoutée aux outils existants et non en assurer l’extinction en les torpillant par des arguments fallacieux et idéologiques, niant le travail de pédagogues qui nous sont enviés dans le monde entier.

L’excellence enfin. Car la République doit permettre cela dans le cadre de l’égalité réelle des chances. Aujourd’hui, c’est l’innovation pédagogique qui est au coeur de ce processus. C’est le dévouement et la compétence des équipes éducatives qui oeuvrent en ce sens. Rien ne pourra se faire en prenant seulement l’opinion à témoin et en caressant dans le sens d’un populisme de bon teint une partie de l’électorat. C’est bien mal connaître l’école que d’agir ainsi. A moins que ce ne soit trop bien en connaître les ressorts pour comprendre que c’est un lieu de construction de la citoyenneté, loin d’une logique libérale dans laquelle certains voudraient la faire entrer. Ce temps de l’absence de règles, de concurrence exacerbée n’est pas venu. Nous avons besoin de davantage de coopération, de mutualisation, d’innovation au service des jeunes. L’exigence de l’accompagnement vers le savoir, la connaissance et la citoyenneté est aujourd’hui l’essentiel de la mission de l’école. C’est l’école de la République que nous rêvons. C’est celle que nous avons le devoir de reconstruire ensemble en retissant les liens avec toutes celles et tous ceux qui croient que l’école n’est pas une utopie !

4. Le jeudi 31 août 2006 à 12:02, par JEAN CHOL POIVRESSELLE BLOGUEUR

LES SAVOIRS INVISIBLES

" Les enfants, les jeunes de milieux populaires ont, plus que les autres à apprendre l'école pour apprendre à l'école"
"Apprendre et enseigner en ZEP", Françoise CARRAUD, in Dossier XYZep, publication du centre Alain Savary de l'INRP, Décembre 2005.

Mes recherches lisibles dans les EXTRAITS DE MON MEMOIRE DE DESS/MASTER RELATIONS INTERCULTURELLES
(lien :jeanpaulchouard.typepad.c... De l’illettrisme et de la lutte contre les situations d’illettrisme : proposition d’un nouveau dispositif d’aide à la maîtrise des outils de la culture écrite à l’intention de jeunes adultes" soutenu à l' Université Paris III – Sorbonne Nouvelle F.C.P.3 – Formation Continue Paris III
recroisent complètement les lignes de fond développées dans cet excellent article et me confortent dans l'idée qu'il est temps de s'atteler à cette fameuse réforme du système éducatif français tant attendue depuis 30 ans.

A quand une formation sérieuse sur les domaines de l'interculturel ?

Jean-Paul Chouard
jeanpaulchouard.typepad.c...

5. Le dimanche 16 juillet 2006 à 13:28, par Philippe Dran, professeur de Mathématiques dans le Var

Je suis sidéré de la réaction de notre IG de Mathématiques, M. Moisan, à propos du baccalauréat. Nous préparons donc de mieux en mieux nos élèves à une "nouvelle épreuve" ? Le deuxième exercice qui a été posé à nos élèves et qui leur a rapporté en moyenne un bon nombre de points (environ 4 sur 5) n'est pas du tout dans la perspective de la dernière réforme des programmes ! C'est le bon vieux problème de 12 points, mal condensé, pour lequel la quasi totalité des réponses s'obtiennent sans mal avec la calculatrice. Nous avons donc été obligés de mettre les points, que la réponse de l'élève soit justifiée ou pas ! Ajoutez à cela un QCM non pénalisant, les incitant presque à répondre au hasard, vous obtenez déjà sur un bon nombre de jurys une moyenne de 8 sur 20. Le troisième exercice sur les complexes, a été très mal fait par la grande majorité des candidats et a donc été surnoté (au cours de l'harmonisation, on nous a demandé d'être cléments avec nos futurs collègues de SVT !). A ce niveau du barème, les jurys ont déjà plus de 10 de moyenne sur 20 ! Le dernier exercice, qui proposait sur sa fin des mathématiques "de la dernière réforme" n'a pas été compris. Il semble que la partie du programme sur les calculs de chi² et leur interprétation est souvent négligée voire éliminée par les collègues dans leur enseignement. Nos élèves n'ont pas su conclure l'exercice (et je me base sur les résultats de plusieurs jurys : moins de 5% des élèves ont répondu en comprenant l’énoncé et en justifiant leur réponse correctement).
La dernière réforme des programmes n'est donc toujours pas assimilée ! Encore une année avec un barème laxiste et une pléthore de mentions. Ou va-t-on ? Je souhaite beaucoup de courage à mes collègues des universités de sciences pour la prochaine rentrée !